8 vies

Il fait chaud, très chaud, trop chaud. Je suis serrée, beaucoup trop serrée. Plus je suis serrée, plus j'ai chaud. C'est étouffant. Mes voisins et voisines sont dans le même état. Nous sommes presque liquides. Puis un mouvement s'amorce, vers un ailleurs encore inconnu ... ? Le mouvement s'accélère, vers l'extérieur. La température commence à baisser. Juste quelques degrés, je me sens toujours liquide. Plus vite, encore plus vite. Et c'est l'explosion, le jaillissement ! Le refroidissement devient plus intense, je retombe. Je roule, je glisse, je cristallise dans le magma encore brûlant. Première vie.

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Je suis bien, l'eau m'entoure. Elle est chaude, agréable. Je flotte au gré des courants. Je me sens bien à la surface. Parfois une vague m'entraine vers les profondeurs puis me ramène en surface. Autour de moi, d'autres comme moi, flottent également. Parfois nous nous frôlons, nous nous effleurons, nous nous touchons et nous nous esquivons. Parfois nous bâtissons un pont entre nous, nous échangeons un peu de matière vitale, puis une vague nous sépare de nouveau. Il n'y a rien d'autre à faire que flotter à la surface, profiter des bienfaits du soleil. Nulle crainte ne nous anime, nul prédateur de nous attaquera. Au dessus de la surface, l'atmosphère soufrée est bienfaisante. Mais elle change, l'oxygène toxique y est de plus en présent. Deuxième vie.

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La concurrence est féroce. D'autres, arrivés avant moi, prennent l'espace, me font de l'ombre. J'ai du mal à avoir de la lumière. Je dois m'étirer de plus en plus pour avoir ma dose quotidienne de soleil. J'ai besoin d'eau aussi. L'air en est saturé. C'est elle qui a permis la germination de ma spore. C'est elle qui m'a permis de commencer ma croissance parmi les autres fougères arborescentes. C'est elle qui me permettra de continuer à vivre à travers mes descendants. Troisième vie.

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Je nage. Je virevolte. J'évite les obstacles. Je ne crains pas les prédateurs, ma cuirasse les rebute. Je suis un prédateur. Mes dents feront peur dans quelques millions d'années. Aujourd'hui, elles sont la garantie de ma survie. J'attrape d'autres individus plus petits. Leur cuirasse n'est pas encore assez importante. Mes mâchoires les broient sans difficulté. Nul besoin de mâcher, j'avale tout ce qui me vient à la portée. Il paraît qu'il existe autre chose que la mer. Je ne l'ai jamais vu, je reste dans mon obscurité profonde. Quatrième vie.

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L'apocalypse a commencé. La terre tremble. Le sol s'ouvre sous mes pieds. La lave incandescente coule hors de la croûte terrestre. Les paysages changent d'un moment à l'autre. Telle vallée verdoyante n'est plus qu'un immense champ de lave refroidie. Telle autre est encore rouge brulant. C'est la panique parmi mes compagnons. Les plus grands marchent sur les plus petits, dans l'espoir d'échapper à la fournaise. Nos queues battent l'air, fouettant et écrasant ceux qui sont derrière. Nos carapaces ne nous servent à rien contre cette chaleur. La pluie arrivent, brulante, déluge non rafraichissant. Elle envahit la vallée. Je vais me noyer. Cinquième vie.

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Le soleil m'appelle. Il darde ses rayons à travers le sol. Sa chaleur réchauffe la terre qui m'entoure. Le vent souffle en brise légère. Lui aussi m'appelle. Ils disent que le Printemps arrive. Il disent que je dois sortir de ma cachette. Ils disent qu'Il n'attend plus que moi. Alors, tranquillement, calmement, sans me presser, je me prépare. Mes racines s'enfoncent dans la terre fraîche, à la recherche de minéraux et d'eau. Mes feuilles sortent de mon bulbe. Elles entourent et protègent mon trésor. Le soleil se fait plus pressant à mesure que je crois vers lui. Je déploie élégamment ma corolle au midi, laisse mon parfum s'exhaler et attirer quelques butineurs. L'abeille vient me visiter. Une main passe et me vole ma fleur. Elle finira dans un vase, comme symbole du printemps pour cette main. Sixième vie.

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D'œuf, je ne suis devenue larve. De larve, je suis devenue nymphe. De nymphe, je suis devenue imago. Ouvrière, je suis, ouvrière je resterai. Au service de ma communauté et de ma reine. Pendant ma longue vie, je vais être ouvrière nourricière des larves. Puis je participerai aux soins à ma reine. Ensuite, je pourrai sortir pour chercher moi aussi de la nourriture pour la colonie. J'irai chasser ou cueillir, garder les troupeaux de pucerons ou cultiver les champignons. Je n'hésiterai pas à donner ma vie pour ma reine. Je n'hésiterai pas à mourir au combat s'il le faut. Je suis un bon petit soldat. Et ma dépouille pourra servir à nourrir mes sœurs plus jeunes. Septième vie.

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Au commencement, j'étais poussière, chaude, très chaude. Puis il y a eu une explosion. Enorme. Elle a tout dévasté. Elle m'a projeté je ne sais où. Puis je me suis effondrée sur moi même. La chaleur a recommencé à monter. Les poussières ont continuer à s'agglomérer autour de moi. L'étincelle a eu lieu et j'ai commencé à briller. D'autres poussières ont commencé à tourner autour de moi. Elles aussi se sont effondrées sur elles-mêmes. Leur chaleur a augmenté, mais sans atteindre la mienne. Le feu qui m'anime commence à décliner. Je cherche d'autres réserves en moi. Mon cœur change de température, il se refroidit légèrement. Explosion ! Ma taille augmente. J'ai du répit. Nouvelle explosion, je m'écroule. C'est le trou noir. Huitième vie.

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Lumière filant à travers les âges et les temps.

Je SUIS.

Comments

[Dragonelle]

Que c'est beau !

[adeline]

comme dit a la premiere lecture:

je m'incline devant tant de talent!!!
un texte magnifique!!!
bravo

bizzz
adeline